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Re: [Cité Orientale] Un corps retrouvé

Publié : 16 avr. 2018, 23:54
par Hoela
Lorsqu’Aurianna lui avait parlé de ce qu’elle avait trouvé dans l’auge des cochons, il ne l’avait pas prise au sérieux et envoyée paître. Sa femme était pourtant formelle, c’était des dents, elle en aurait mis sa main à couper. Loin de se soucier de ce genre de détails, Angus avait jeté la découverte dans les ordures et envoyé une claque à l’insolente pour lui rappeler qu’ici c’était lui qui pensait et décidait. Il ne lui avoua cependant pas que s’il avait la main qui le démangeait tant, c’était parce qu’il venait de perdre sa chevalière dans un ultime match aux cartes la nuit dernière. Le dernier souvenir qu’il possédait de son père, sacrifié sans un regret jusqu’à ce qu’il décuve et se rende compte de son geste malheureux. La colère avait alors pris le pas sur tout le reste, lui donnant l’impression d’être un volcan prêt à exploser.

Ne se sentant pas le courage d’aller travailler à la ferme aujourd’hui, Angus avait ramassé ses affaires et vider les poches de sa femme de leurs pièces, histoire d’aller prendre un peu de bon temps en ville et oublier ses soucis. Dans les bras d’une prostitué ou dans un verre de vin de mauvaise qualité. Mais son maigre butin ne lui permit pas de tenir jusqu’au lendemain matin, alors de guerre las, il s’était décidé à rentrer au milieu de la nuit, découvrant en chemin les graciens qui prenaient lentement possession des lieux. Une démonstration de force qu’il ne comprenait pas vraiment et dont il se fichait complètement, là tout de suite, trop ivre pour réfléchir.

Traînant sa jambe abîmée comme si elle pesait tout le poids du monde, il décida de passer par la grange chercher une dernière bouteille dans sa réserve secrète, de celles qu’on garde pour les mauvais moments.

L’esprit encore embrumé par l’alcool et la fatigue, il n’en avait pas cru ses yeux lorsqu’il avait vu au loin une silhouette encapuchonnée appuyée contre les barrières en bois de l’enclos des porcs. Les bêtes gémissaient comme des diablesses, criant, grognant dans un bruit de fin du monde. L’inconnu les observait avec attention, concentré sur le spectacle étrange qui se jouait sous son nez. Angus ne comprenait pas ce qui se tramait véritablement là, mais son instinct lui criait de dégainer son couteau et de ne pas laisser filer l’importun. Un voleur ? Un tueur de cochon ? Un ennemi de sa famille prêt à détruire leur gagne-pain ? Ou pire un gracien ! Peu importait, il le planterait et discuterait des détails ensuite.

Aussi discrètement que possible, il s’approcha de l’ombre encapuchonnée, le bruit de sa jambe qui traînait sur le sol rocailleux couvert par les cris des cochons qui se bâfraient d’un festin tout sauf anodin. Sans perdre une seconde et profitant de l’effet de surprise, il frappa dans le dos de la créature qui émit un cri de gorge trop féminin pour être honnête. Surpris par le ton de la voix de l’inconnu, Angus recula et trébucha sur une pierre, s’affalant sur les fesses dans un nuage de poussière. Blessée, la femme fit tomber sa capuche et se tourna pour lui faire face, plantant son regard améthyste dans le bleu de ses yeux. Une jeune beauté sombre dont les traits étaient déformés par la colère et une rage telle qu’il n’en avait lui-même jamais éprouvé.

Alors qu’il tentait de reprendre ses esprits et se relever pour affronter celle qu’il prenait pour un bandit de passage, il vit s’écarter derrière elle les cochons juste assez pour lui laisser entrevoir le met au menu du soir. Des restes humains à moitié dévorés, qui manquèrent de le faire rendre tout le vin bu dans la journée. Devenait-il fou ? Il n’eut pas le temps de réfléchir à la question que la femme approchait de lui, une lame brillante dans la main. S’il ne faisait rien, il finirait comme le demi gaillard qui pataugeait dans la boue à quelques pas de lui.

Dans un dernier acte de courage, il se jeta sur la sombre, tous poings dehors, prêt à donner ses dernières forces dans une lutte qu’il savait à mort. C’était elle ou lui. La frappant avec une violence qu’il ne se connaissait pas, il comprit vite qu’il lui faisait mal et qu’elle était moins solide qu’il le craignait. Il se surprit presque à penser qu’il avait une chance de s’en sortir. Le poignet armé maintenu fermement entre ses doigts bourrus, il l’empêchait de le planter et tenta dans un ultime effort de retourner la dague contre son agresseur.

Ce qu’il ne remarqua pas, c’était Aurianna derrière lui qui rentrait plus tôt de la boulangerie après le couvre-feu improvisé mis en place par les villageois. Comme une diablesse, elle se précipitait vers le combat, prête à intervenir sans encore savoir comment. La seule chose que la jeune femme comprit de cette scène terrifiante, c’était que son mari était sur le point de tuer l’amie de Martha. Cette jeune sombre compatissante et si douce qui depuis deux semaines tentait de l’aider. Qui avait été jusqu’à lui payer des soins chez un médecin pour faire effacer les dernières traces des coups d’Angus. Cette fille sans argent qui sacrifiait ses économies pour qu’une parfaite inconnue puisse se faire recoudre et désinfecter des plaies causées par celui censé la protéger et l’aimer.

N’écoutant que son courage, Aurianna ramassa l’arme de son mari qui traînait non loin sur le sol, encore pleine du sang de la jeune sombre. Dans un cri de rage, elle la planta dans le cou d’Angus qui resta un instant pétrifié. La sombre écarquilla les yeux lorsque l’homme tomba à terre et qu’elle découvrit le visage de sa sauveuse. Mais à bout de force, elle flancha à son tour et perdit conscience avant même d’avoir pu la remercier, sans doute blessée d'un coup de dague et pleine des traces de coup qu’Aurianna ne connaissait que trop bien.

Paniquée, la fermière ne vit d’autre solution que courir en ville alerter le Cénacle afin de trouver de l’aide, à défaut de pouvoir en avertir la garde à la solde des graciens.

Re: [Cité Orientale] Un corps retrouvé

Publié : 18 avr. 2018, 19:13
par Hoela
Ce qui fut découvert à la ferme des Pernod resterait longtemps gravé dans les mémoires, tant l’atrocité de la scène rivalisait avec celle des histoires de cannibalisme graciens.

L’on raconte qu’Aurianna serait venue chercher de l’aide qu’elle trouva d’abord auprès du Cénacle, la garde étant quelque peu accaparée par les graciens tout juste arrivés. Ce sont eux les premiers qui se rendirent sur place et qui découvrirent ce spectacle terrifiant.

Personne n’aurait imaginé qu’Angus, simple fermier un brin porté sur la boisson, aurait pu se muer en tueur en série pour des questions d’argent. Pourtant, dans l’auge des cochons, c’est bien les restes de deux corps différents que l’on retrouva. Les bêtes avaient presque tout dévoré, laissant des dents, des morceaux d’os et quelques lambeaux de chair. Sans doute les voyageurs victimes de la folie d’un homme au bord du désespoir.

Lorsque la blessée trouvée sur les lieux et Aurianna furent prises en charge par les soigneurs du Temple, la garde fut avertie de la découverte macabre afin qu’elle puisse mener son travail d’enquête. Quelques soldats se rendirent sur place pour s’occuper du corps d’Angus, fouiller la ferme et récupérer les restes des victimes.
On raconte que la moitié d’entre eux ne supportèrent pas la vue du festin des porcs, au point de rendre leur déjeuner dans un coin. Quant au corps d’Angus, il avait été entre temps lacéré de coups de griffe par une bête ayant surement pris la fuite en entendant les hommes approcher.

Les villageois qui tentaient de visualiser la scène ne pouvait s’empêcher de grimacer de dégout, mais ils ne pouvaient pas s’empêcher non plus de colporter ces informations à tous les curieux de la région.

Certains tentèrent même de retrouver Aurianna pour lui poser des questions, sans succès, la dame ayant été prise en charge par le Temple dans un état catastrophique. Au bord de la folie, on refusait de laisser quiconque l’approcher pour l’instant. Pour la blessée trouvée sur les lieux, on raconte qu’elle était venue discuter avec Angus pour qu’il cesse de battre son épouse. Mais qu’elle aurait découvert la véritable nature du tueur et avait bien failli faire partie de sa longue liste de victimes. Enfermée dans les locaux du Cénacle, il était également difficile de lui parler.

Enfin, pour preuve ultime de la culpabilité du fermier, il paraîtrait que l’on aurait découvert dans sa ferme un petit coffret rempli d’adenas et de pierres précieuses, surement dérobées à ses victimes. Ce trésor semblait expliquer pour beaucoup où il trouvait les moyens de boire autant et fréquenter les plus jolies prostituées de la Cité. Sans parler de son addiction aux jeux de cartes et aux paris.

Mais comme tous les ragots, bientôt les histoires du tueur en série de la Cité Orientale seraient remplacées par d’autres. D’autant plus que la guerre était sur le point de reprendre et de bouleverser la vie de tout un chacun.